Les médicaments faisaient effets. Il n’entendait presque plus les voix. Pas celles des autres, non, celles qui même en l’absence de télépathie serait à jamais coincé dans sa tête. De temps à autres, elles se remanifestaient, clamaient de biens horribles propos, néanmoins, son traitement permettait à David de les ignorer. Il venait de sortir du boulot. Il avait promené toute la matinée un énième chien qui le fit bin trop courir. Il se trimballait encore son léger point de côté alors que son regard se posait sur la devanture d’un établissement qui lui était inconnu. Il avait effectué ses recherches et seul le nom Xavier écrit en gros lui était familier. Il prit une grande inspiration avant que ses jambes l’entrainassent jusqu’à l’intérieur de cet établissement.

Sa tête fusait de pensée qu’il ne lui appartenait pas mais David tentait d’en faire fi. Le stress le fit déglutir alors qu’il observait ce grand hall d’entrée. Il se souvenait de sa maison d’enfance, son père était aisé financièrement, il n’y avait rien d’étonnant que même dans ce monde, il possédait encore un grand manoir. Il vit une réceptionniste et regretta le fait de ne pas avoir pris de rendez-vous. Il y avait pensé, pourtant, le mutant fit marche arrière, bien trop anxieux à la simple pensée de revoir Charles Xavier. Il savait qu’il ne devait pas. Coincé dans cette ville, David avait tout fait pour rendre son père fier, pour se faire aider et ne plus être l’horrible et égoïste personne qu’il avait connu. Pour l’instant, il n’avait fait aucun faux pas. Il pouvait donc sans honte, retrouver la seule personne qui tenait à lui dans cet univers.
Dans un premier temps, il tenta d’évoluer dans le manoir avec confiance, évitant les appels insistants de la réceptionniste qui lui demandait sans cesse s’il avait un rendez-vous. Son regard cherchait le bureau de Charles Xavier. Enfin arrivée devant la porte, au moment où il put l’ouvrir, la jeune femme attrapa son avant-bras et tenta de l’entrainer à l’extérieur de l’établissement.

« Ecoutez, je dois vraiment parler à Charles. Je sais, j’aurais dû prendre rendez-vous, ça nous aurait simplifier la vie à tout. Mais laissez nous juste quelques secondes… Papa explique lui. »

Une silhouette d’homme lui offrait son dos. David partait automatiquement du principe que cette personne était son père. Après tout, n’étaient-ils pas dans son bureau ? Il l’interpella donc pour qu’il envoie sa secrétaire paitre et qu’il puisse enfin passer un moment entre père et fils. Pourtant, ce n’est pas ce qui arriva à sa grande surprise. L’homme se retourna et l’estomac de David se noua, de déception, de honte.

« Vous n’êtes pas Charles Xavier… J’aurais vraiment dû prendre un rendez-vous. Je repasserai, une prochaine fois, en ayant appelé au préalable. Je vous laisse avec cette charmante dame. »

La leçon à retenir de cette histoire ? Toujours prendre rendez-vous avant de se rendre quelque part. Ce malentendu n'aurait ainsi jamais eu lieu. Un sage enseignement que David ne retiendra bien entendu pas. Pour le moment, il était bien trop occupé à être perturbé. L'assistante avait appelé cet homme professeur Xavier comme dans Charles Xavier… Ce n'était pas possible… Il cligna des yeux à plusieurs reprises, ne croyant pas ce qu'il voyait.

« Vous n'êtes pas Charles Xavier. Je l'ai rencontré et même quand il était dans sa trentaine il ne vous ressemblait pas ! Elle ment ! Vous mentez ! »

David en était persuadé ! Il était remonté dans le temps. Il avait pu le voir, lui parler, le tenir dans ses bras, l'entendre lui dire qu'il adorait. Cet homme en face de lui n'était pas Charles Xavier, il n'était pas son père. Déboussolé, en colère devant ce qu'il pensait être un mensonge, ce fut à ce moment-là que le mutant se souvint d'une sage parole de son paternel :"David nous sommes des télépathes, nous n'avons pas à croire qui que ce soit sur parole." Bien que le jeune homme détestât son don, il se résigna à l'utiliser sur cet inconnu. Ainsi, il aurait le fin mot de cette histoire. Alors qu'il tenta d'utiliser ses capacités, le mutant fut face à une certaine résistance. Il ne lui en fallut pas plus. Avec un peu d'effort, David aurait peut-être été capable de pénétrer l'esprit de son interlocuteur. Toutefois, le simple fait qu'il eut un accès difficile aux pensées de cet homme prouva son identité. La seule autre personne qui avait posé défi à David fut son père…

« Comment est-ce possible ? Tu ne ressemblais pas à ça ! J'en suis sûre ! Je… C'est Farouk ! Il joue encore avec mon esprit ! Je t'ai dit qu'il fallait le tuer ! Il me fait voir des choses qui ne sont pas réelles ! »

Le mutant eut l'impression de perdre une énième fois la tête. Ses mains s'accrochaient à son cuir chevelu arrachant presque une touffe. David était désorienté, il ne comprenait rien et tentait de rationaliser ces événements du mieux qu'il pouvait. Parlant d'un vieil ennemi de son père, perturbant ainsi probablement son pauvre interlocuteur. Les vitres de la pièce s'explosèrent. Le cerveau du mutant était bien trop surchargé d'information. Il écoutait à peine les mots de l'individu en face de lui ne se concentrant maintenant que sur son malheur.

« Pardon… je n'ai pas voulu faire ça. C'est juste que… j'ai l'impression qu'il est encore dans ma tête. Comment expliquer que je ne te reconnais pas sinon… Papa, s'il te plait, aide-moi… »

David paniquait. Qui est surpris ? Le jeune homme face à telle situation perdait tout repère. Il avait brisé les objets de verre présents dans la pièce. Un miracle qu’aucun éclat ne vint l’égratigner. Le mutant était terrifié. La simple idée que le Shadow King s’amusait à nouveau dans son esprit le terrorisait. Comment expliquez sinon qu’il ne reconnaisse pas son propre père ? Ce monarque maléfique s’en prenait toujours à lui, à sa famille, il avait fait de sa vie un enfer, avait tué Amy, était à l’origine de la haine que ressentait la Division 2, Syd, à son égard. Aujourd’hui, il désirait même empêcher à David de jouir d’une relation saine avec son père. Non ! Il ne pouvait pas vivre cela encore ! Il est une bonne personne, il mérite d’être aimé et non d’avoir le cerveau réduit en compote par un despote ! Sa respiration se saccadait. Bien heureusement, aucun autre objet ne disparaissait, ils ne faisaient que s’envoler, tournant en cercle autour des deux protagonistes. Le mutant ne savait pas comment faire pour calmer sa crise de panique. Elle était juste là et elle ne s’arrêtait plus.

De simples mots suffirent à apaiser son esprit. Un enchainement de différents bruits se suivirent. Des clinquements, des bruits sourds, ils étaient le résultat des fournitures de la pièce qui retombaient sur le plancher. Charles Xavier était doué. N’avait-il pas fait cela toute sa vie ? Venir en aide au mutant perdu et esseulé comme David. Il savait comment s’adresser à eux. Mais, pour le jeune homme, s’était différent. La voix était différente et pourtant, c’est bel et bien son père qu’il entendait. Il suivit donc le conseil du télépathe et prit une grande inspiration. L’air s’en alla bien vite de ses poumons alors qu’il expirait tout cela. Il respirait, bruyamment, pour se calmer.

« Tu es mon père, mais t’es pas lui… ? »

Comme toute personne dans cette ville de malheur, David avait entendu parler du multivers. Il avait compris le principe et savait qu’à tout instant, un double de lui pouvait débarquer en ville. Néanmoins, ce concept restait quelque chose d’abstrait, de lointain, qui n’arrivait qu’aux autres. Le jeune homme ne pensa pas qu’il en serait soumis aussi tôt, avec son père de surcroît. Cette personne était Charles Xavier, cependant, il n’était pas le sien. Une forte déception s’empara de lui. Alors, toutes ses recherches, tous ces espoirs anéantis à jamais. Lui qui pensait tout recommencer avec son paternel, le voilà qui se trouvait face à un variant, un imitateur ! David aurait pu s’énerver, son immaturité prenait si facilement le dessus, toutefois, l’expérience Professeur X en matière de gestion de mutant n’était plus à prouver. Le télépathe offrit un accès à son confrère, lui permettant de lire toute sa souffrance, ses trahisons, sa maladie mentale. Il lui laissa un accès total. Il était peut-être un inconnu, mais sa présence réconfortante était suffisante pour mettre le mutant en confiance.

« Tu peux vraiment m’aider ? »

Dans cette simple phrase s’entendit tout l’espoir de David. Celui d’être normal, de ne plus souffrir et être retenu par les entraves de son cerveau. De pouvoir véritablement contrôler ses pouvoirs sans craindre d’exploser la pauvre ville de New-York. L’espoir d’être aimé, d’avoir une famille… Et ça le frappa. Sa famille n’était pas là. Cet individu en face de lui n’était pas son père ! Il ne l’aimait pas, il avait pitié. Le mutant s’éloigna de son interlocuteur, retirant ses deux doigts de ses tempes. Il fit quelques pas en arrières pour assurer une bonne distance de sécurité entre eux.

« Pourquoi voudriez-vous m’aider ? Vous n’êtes pas mon père. Pour vous je suis juste un type qui est entré dans votre bureau et qui a abimé le mobilier. Pour moi vous êtes tout alors que pour vous je suis rien. »

La situation était plus que compliquée. David pouvait remercier ce multivers perturbé, son cerveau déjà en vrac l’était encore plus. Son père ne se tenait pas devant lui. Le jeune homme peinait toujours à l’accepter. Il était venu dans cet institut avec tant d’espoir. Retrouver son paternel potentiellement sa mère également et enfin avoir cette chance de vivre en famille qui leur avait été ôté il y a des siècles de cela. Mais non, rien de cela ne pouvait se produire en l’instant et la déception qui s’assenait sur le mutant était puissante. Celui qu’il était bien maintenant obligé de catégoriser comme un inconnu avait peut-être réussi à trouver les bons mots pour calmer le fameux destructeur de monde. Cependant, le mal restait entassé, quelque part, au plus profond de cet esprit malade. Il devenait maintenant méfiant, passant de tutoiement au vouvoiement. Il ne connaissait pas cet individu. Comment pouvait-il lui accorder une once de confiance ? Tant de personnes l’avaient déjà trahi, cet homme risquait de recommencer à tout instant si David laissait sa garde tomber.

« J’ai connu des personnes, des gens qui comme vous ont voué leurs vies à aider des jeunes mutants. Ils ont tenté de me faire enfermer voire de me tuer, qu’est-ce qui me fait dire que vous ne finirez pas par faire de même !? »

David se devait d’être prudent pour son propre bien. Son discours était cependant injuste et ne décrivait pas véritablement les évènements comme ils s’étaient déroulés. Si Melanie Bird et son équipe tentèrent bel et bien d’attenter à sa vie, le mutant passa sous silence les nombreuses fautes qu’il avait commises et qui expliquait un tel retournement de situation. Torturé Oliver, faire du mal à Syd, risquer d’anéantir l’espace-temps uniquement pour son bien-être personnel. David n’était pas un saint. Il avait des choses à se reprocher qui pesait lourdement sur sa conscience. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de se poser en victime.

« Je sais presque rien de lui, il m’a abandonné quand j’étais bébé. J’imagine que je peux dire qu’il est gentil, altruiste, juste et que malgré tout qu’il ait vu la pire version de moi, il m’aimait. »

L’amour inconditionnel d’un père. C’est ce que David avait besoin et ce que Charles ne pouvait lui donner. Il essaye d’une bonne personne, il mérite d’être aimé ! Pourquoi devait-il toujours se retrouver seul, sans aucune personne pour tenir à lui ?

« Je me prénomme David Haller. J’ai pas repris le nom Xavier parce que vous savez, j’ai été abandonné bébé. »

Les Charles Xavier devaient disposer d’un pouvoir magique, celui de toujours trouver les bons mots pour apaiser David. En l’instant, le jeune homme désirait tant y croire. En ces quelques paroles. Il affirmait qu’il pouvait l’aider, qu’il voulait l’aider, était compatissant et comprenait le mal que le jeune homme avait subi. Certes, le mutant de classe oméga avait bien gardé quelques informations pour sa personne. Notamment celles qui listeraient les nombreux crimes qu’il a pu commettre, mais, David restait cette victime qui avait l’impression que Charles l’aiderait toujours malgré tous les sévices qu’il a pu exercer. Le jeune homme était aux verges des larmes, retenant du mieux qu’il pouvait ses émotions complètement en vrac. Il n’était pas triste, plutôt ému, bien trop, de voir qu’enfin quelqu’un lui laissait une seconde chance.

« Je suis presque sûre que je ne pourrais pas supporter une nouvelle trahison. »

Avoua-t-il, prévenant à nouveau son interlocuteur de cette manière. Voilà sa dernière ligne de défense avant de complètement se laisser aller, de foncer, ses appréhensions restaient présentes. Comme dit par lui-même, une trahison le détruirait pour sûre (et ça serait une très mauvaise nouvelle pour les habitants de New-York). Après Syd, la Division II, David avait refusé d’accorder véritablement sa confiance à qui que ce soit, mais là, le mutant était prêt à sauter la tête la première et croire aux mots de Charles.

« Mais… Je vous crois. »

Quelques larmes continuaient leurs chemins sur ses joues. David était si ému. Il rêvait de pouvoir prendre cet homme, celui qui a l’heure actuelle semblait tant comme son père. Mais, le mutant ne ferait pas cette erreur. Il se devait de garder une certaine distance avec le directeur de cet institut qui restait un inconnu et nullement son paternel.

« Merci… De me donner cette chance, de bien vouloir m’aider. J’ai besoin d’aide, genre beaucoup trop. »